Jacques Pons* pour Ouest France

Brige Van Egroo :  » la différence, c’est le récit « 

Son art tient à un fil. Juste un trait, ténu, tendu, tenace dans le silence du monde. Fil, trait, trace : parfois un cheveu, presque rien, pour porter témoignage. Que l’on n’oublie pas.

En sa maison discrète d’où l’on aperçoit la baie de la Landriais, elle a fait du dernier étage son royaume ou, plutôt, sa retraite et son atelier. Brige Van Egroo ne cherche pas à faire d’effet, elle est : plasticienne, penseuse, exigeante. Limite ascète. « Austère, presque, je me sens bien avec cela. C’est l’attitude d’un Charles Juliet, l’un de mes écrivains quotidiens, qui se tient à son journal, débuté en 1957 : un chemin d’extrême exigence. Mais qu’elle est profonde, ample, la joie qui ponctue l’achèvement d’un dessin ou d’une série ! » Ce disant l’artiste plasticienne, selon sa propre définition, montre deux de ses dessins, qui avec sept autres, composent « Harmonie céleste » : neuf dessins à la mine de de plomb, sur papier bambou (fragile); même format carré et même principe de composition, et la vibration de l’univers est là. Chaque fond est fait de minces bandes horizontales, remplies de traits verticaux rapprochés selon l’obscurité ou la clarté voulue. Au centre, un foyer éclairé par effacement et ajout de matière. Chaque dessin acquiert ainsi son tempo,  son identité propre, et les neuf, ensemble, semblent émettre neuf pulsations dans l’immensité sidérale. Incroyablement hypnotique que cet infiniment petit de chaque trait et cet infiniment grand de la création.

A d’autres, l’excès 

Brige Van Egroo travaille dans l’épure. A d’autres, la profusion des couleurs ou du discours qui donne l’apparence de l’art, mais pas sa densité. Son art à elle est quête, ou plutôt, manifeste de la permanence de l’humain. D’où cette tendance, revendiquée, à la série :«  C’est comme instinctif, et vital : à chaque piste empruntée, j’ai envie de poursuivre, de faire le chemin que je ne connais pas et qui donnera une expo, une installation, un catalogue-récit. Il faut avancer pour entrevoir une cohérence… »

Rarement parcours de création aura paru aussi entier, logique, essentiel : c’est une évidence à regarder, pour l’instant, seulement sur son site, mais on devrait en voir la preuve dans une installation exclusive pour la chapelle Saint- Buc : comment, de simples traits de crayon ou de fil, on recrée le monde, on tisse son propre récit et l’on retient l’essentiel, Brige Van Egroo le réussit.

*Correspondant Ouest France